prologue ❀ certaines grandes maisons nous disent parvenus ; mais alors que stark et lannister plièrent le genoux face aux targaryen, les tyrell crûrent
« Oh Loras, il est magnifique ! » Les beaux yeux noisette pétillaient d’excitation cependant que d’un geste tendre, les mains fraternelles venaient délicatement guider son bras pour y accueillir l'oiseau. D'un geste intuitif, le faucon leva son aile blanche ; mais contrairement aux jouvencelles de son âge, dont le sursaut aurait apeuré la bête, Margaery l'observait sans ciller. Quelques secondes s'écoulèrent, avant que les deux regards ne se croisent ; l'animal poussa alors un cri aigu de reconnaissance, déployant ses larges plumes sans pourtant s'envoler. Alors, elle su : il était à elle. Et parce que la beauté sauvage et agressive des falconidés la fascinait depuis l'enfance, elle sourit. Là, dans la brise légère du soir, alors que les paysans rentraient de la moisson, juste avant que ne sonne les carillons du château pour inviter au souper, il lui semblait que ce devait être cela que le bonheur. Un état de quiétude qui, aussi loin que remontaient ses souvenirs, ne l'avait jamais quittée. Il lui semblait que son existence avait, jusqu'ici, été bénie des Dieux, enchainant les jours d'été rythmés de bals et de joutes, des promenades en barque le long de la Mander, des parties de cache cache dans les jardins. Toujours parée à ravir, ne manquant jamais de rien. Et après tout, comment pouvait-il en être autrement pour la dernière née, la fille choyée de lord Mace Tyrell et de son épouse, lady Alerie née Hightower ? Ce pourquoi, malgré les sages mises en garde de sa mère, lady Olenna Tyrell, née Redwyne, il avait envoyé son fils, ser Loras Tyrell dit "le Chevalier aux Fleurs" courtiser le Roi Robert Ier Baratheon, afin qu'il lui apporte portraits et autres rapports au sujet de sa jolie sœur.
« Pour que tu penses à moi quand je serai absent... » Le sourire toujours aux lèvres, Margaery porta sa main libre à la joue de son frère.
« Tu ne pouvais me faire plus plaisir. Mais je n'ai pas besoin de présents pour penser à toi. Et... » ajouta-t-elle, ses joues soudain roses, jetant furtivement un œil par dessus son épaule pour deviner que là, cachées dans un bosquet, ses cousines Desmera et Megga espionnaient l'homme le plus beau de toutes les Sept Couronnes.
« Je crois que tu vas beaucoup manquer à Hautjardin ! » ❀ ❀ ❀
« "Ser Loras Tyrell cède à Sandor Clegane la victoire du Tournoi de la Main". Comme si cela nous rapportait quoi que ce soit... » D'un geste un rien dégoûté, la Reine des Épines jeta le parchemin, croisant ses longs doigts bagués sur ses genoux.
« Ne dites pas cela, Grand-Mère ! Il lui a sauvé la vie, Loras a respecté tout le protocole de la chevalerie... » « Oui, oui, le Chevalier aux Fleurs est très chevaleresque... Mais le temps qu'il passe à jouter et à distribuer des roses, il ne le passe pas à faire ce pourquoi il a été envoyé là-bas pour commencer ! » Un maigre sourire de compréhension aux lèvres, Margaery y déposa la pâte de fruit qu'elle tenait en suspens entre ses doigts. Progressivement, l'image de son frère, charmante et courtoise, se dessina devant ses yeux, et elle lui rappelait combien il lui manquait. Elle entretenait un lien privilégié avec Loras, dont la naissance ne la séparait que d'une petite année. Elle adorait son aîné, Willos, si attentionné avec elle, lui ayant tant de fois fait la lecture ou partagé son insatiable savoir en lui dessinant les constellations du ciel. C'était lui qui l'avait introduite au monde merveilleux des faucons. Mais ce n'était pas la même chose ; quant à Garlan, s'il ressemblait beaucoup à Loras, quoique de plus forte carrure, il tenait d'avantage du guerrier émérite que du grand frère réconfortant. Alors pour cette petite sœur attachée, le départ de Loras avait été difficile ; alors, comment ne pas partager l'amertume de sa grand-mère ? Sa consolation avait été qu'il œuvrerait dans ses intérêts.
« Allons, mon enfant, soyez tranquille. On me rapporte également qu'il s'est rapproché de Renly Baratheon. Tout n'est donc pas complètement gâché. » « Rapproché... ? Oh ! Vous voulez dire... » Le sourire malicieux qui étira alors les lèvres de lady Olenna fit office de réponse. Un court instant, la vieille matriarche décela dans le regard de sa petite-fille toute l'ampleur de son subtile pragmatisme. Décidément, elle était de loin sa plus belle réussite. Et lorsque le rose du contentement monta à ses joues, et qu'un sourire entendu colora sa bouche, toutes deux éclatèrent d'un joyeux rire dont l'écho se propagea dans tout le château.
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Effervescence à Hautjardin : le Roi est mort ! Et d'après les corbeaux, le testament nommait non pas son fils Joffrey comme successeur, mais son frère cadet Stannis, retiré sur l'île de Peyredragon, et dont le mystère qui l'entourait n'avait d'égale que sa nature particulièrement mal aimée par le peuple. Un choix surprenant, tant cela contrastait avec la nature de bon vivant de sa trépassée Majestée. Certains s'en réjouissaient cependant, à commencer par les rusés Florent, dont la fille aînée Selyse avait justement été donnée en épousailles à Stannis. D'autres saluaient la fin d'un règne peu glorieux, noyant le chagrin de la perte de la délicate Lyanna Stark dans la boisson et la chaire, dilapidant les trésors prêtés par la banque Lannister suite au couronnement de la belle Cersei. Il avait progressivement délaissé les affaires du royaume, abandonnées aux mains du Conseil Restreint. A la tête duquel il venait, suite à la mort brutale de Jon Arryn, de placer nul autre que son fidèle ami Eddard Stark, Gouverneur du Nord !
« Margaery ? Voyons, êtes-vous avec nous ? » La voix un rien irritée de sa mère tira la jeune fille de son enchaînement chronologique.
« Pardonnez-moi, Mère. » Elle mourrait d'envie de lui demander quand s'achèverait le conseil de famille. Mais lady Alerie n'était pas de celles qui laissaient la curiosité prendre le dessus sur son impeccable maintien. Et devinant les pensées de sa fille, hocha la tête de droite à gauche, en signe de négation. Mais aux détours de quelques couloirs, les discussions allaient bon train.
« Mais qu'est-ce que Renly Baratheon a avoir là dedans ? » demanda lady Olenna, son regard perçant broyant celui de lord Mace.
« Loras me rapporte qu'il est bien plus apprécié du peuple que Stannis, et qu'il me nommerait Main du Roi ! » « En échange de quoi, l'armée Tyrell marcherait avec lui sur Port-Réal ? » remarqua Garlan. Willos secoua la tête.
« La charge de Main ne suffit pas ; qui nous dit qu'une fois Port-Réal prise et Renly sur le Trône de Fer, il ne renie pas ses engagements ? A supposer que Loras le travail au corps, il faudrait sceller cette alliance par le sang... »
interlude ❀ pour être roi, se proclamer comme tel n'est pas la solution ; et si renly n'était point roi, alors je n'étais point reine
« N'ai pas peur, Margaery. Renly est bon, et doux. Tu verras... » Lovée dans les bras de Loras, qui la portait jusqu'au lit nuptial, la jeune fille souriait. Elle s'était tant de fois préparée à sa nuit de noces que malgré les paroles rassurantes de son frère, qui du reste parlait d'expérience, elle était parfaitement sereine. Alerie lui avait enseigné les rudiments du maniement des charmes, mais la dizaine de soupirants qui s'amassait chaque jour à ses pieds dans les jardins avaient achevé son éducation théorique et, en partie pratique. Olenna lui avait prodigué ses connaissances du monde, le jeu subtile des intrigues, l'art de paraitre une chose et d'en penser une toute autre. Ses frères lui avaient été les exemples de toutes les facettes masculines : du politicien studieux, au stratège militaire, en passant par le fougueux charmeur. Et tandis qu'elle se voyait couchée entre les draps de soie, revêtue d'une simple chemise de nuit en mousseline transparente, Margaery sentit que sa destinée s'accomplissait. Les dernières années avaient été exclusivement consacrées à faire d'elle une épouse royale exemplaire : parfaitement éduquée, excellente danseuse, inspirant sympathie et jouissant d'une popularité croissante, Margaery était à une nuit d'amour seulement d'accomplir tout ce pourquoi elle avait tant attendu. Son but ultime : faire croire la Rose d'Or dans le giron du Cerf.
« ... ! » La porte de la chambre nuptiale venait de s'ouvrir et dans son entrebâillement, Renly dévisagea sa jeune épouse. Instinctivement, un sourire comblé éveilla la bouche de la jeune fille.
« Milord ! » dit-elle, aussi doucement que ravie. Elle tendit une main vers lui, le geste dévoilant d'avantage encore ses jeunes seins aux pointes déjà raidies. Dans l'attente du toucher royal.
« Rejoignez-moi, mon Amour. Il me tarde d'être dans vos bras ! » L'exquise invitation était sincère, aussi fraiche que la rosée du matin. Et pourtant. Tournant prestement des talons, le jeune homme lâcha un bref
« Je suis désolée, je ne peux pas ! » avant de disparaitre. Laissant Margaery seule, dans un lit vide et froid.
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Rester à Pont-l'Amer. En marge de la Route de la Rose, entre Accalmie et Port-Réal. Avec pour seule compagnie le clapotis de la Mander, ruisselante au pied de son campement. Le chant des oiseaux n'arrivait que peu à la distraire, comparé au voyage qui avait été si plaisant jusqu'alors ! C'est à peine si l'on était en route pour détrôner le Lion, dont on murmurait qu'il n'était pas issu du Cerf, mais d'amours incestueux. Depuis ses noces à Hautjardin, le Roi Renly marchait sur Port-Réal avec la plus grande armée de ce que tous appelaient désormais l'affrontement des rois. Et tandis que lady Catelyn Stark leur assurait le soutien de son fils, le nouveau Roi du Nord Robb Stark, Stannis Baratheon assiégeait Accalmie. Alors, une garnison entière avait suivit Renly écraser les forces de Stannis. Assise sur son lit de camp, Margaery laissait son regard noisette s'égarer dans la contemplation de l'horizon, où le soleil commençait doucement à se coucher. Là-bas, quelque part au loin, il n'y avait pas que son époux qui risquait sa vie. Loras était à l'avant garde, lord Mathis Rowan en commandement du centre. Son fils Lorcan, soutient des premiers instants, se battrait, lui aussi, de même que son oncle, Humphrey Hightower. Tous des hommes chers à son cœur, des êtres qui avaient, comme elle, humé la quiétude du Bief. Sa seule consolation restait qu'avec autant de courage et de talent, sans compter celui de l'extraordinaire Brienne de Torth, Renly était condamné à la victoire. Ainsi, resterait comme seul opposant Joffrey, dont l'ignoble bâtardise suffirait à le chasser du Trône de Fer. Et alors, elle serait Reine... Elle était encore éveillée lorsque la nuit se retira des pleines, et qu'un nouveau jour pointa. Aussi, elle allait faire appeler pour un bain, lorsque le bruit saccadé des sabots contre la terre battue se fit entendre. Aussitôt, son cœur se mit à battre plus fort. La bataille était-elle déjà terminée, et Renly déjà de retour ? Elle n'eut pas le temps de sortir au dehors car déjà, un cavalier aussi sale que trempé de sueur se présenta à elle. A la hâte, il arracha son heaume, révélant une chevelure boueuse et un visage grave. Il plia le genoux devant elle.
« Votre Grâce ! » Quelque chose empêcha Margaery d'être aussi calme qu'à son habitude.
« Et bien ? » « J'ai... une terrible nouvelle. Je suis désolée, Reine Margaery... Votre époux, le Roi Renly, il... il a été assassiné. »❀ ❀ ❀
« C'était un Roi extraordinaire... Et elle l'a tué ! » D'un geste violent, Loras frappa violemment du point contre la table. Margaery tendit une main vers lui, mais se ravisa. A quoi cela servait-il ? Son pauvre frère était trop aveuglé par sa douleur ; et quand bien même elle trouverait les mots pour l’apaiser quelque peu, aucune parole ne ramènerait Renly. Ni lui, ni son corps, si mystérieusement disparu. Tout comme le mystère qui entourait sa mort ; Loras accusait Brienne de Torth, chargée de sa sécurité ; d'autres juraient que Stannis lui-même avait levé l'épée contre son propre frère. Et il y avait aussi cette rumeur, cette horreur murmurée dans la nuit, qu'une ombre aurait eu raison du plus jeune Baratheon. Et tandis que Loras pleurait la mort et jurait vengeance, la jeune fille restait sans voix. Elle s'était préparée à beaucoup de choses, consciente que la marche du pouvoir était impitoyable. Mais la mort tragique de son époux avait été si brutale, et si dévastatrice pour les siens qu'elle en venait parfois, elle aussi, à douter. Et si ce mariage avait été une erreur ? Et si tous ces efforts, ceux de sa grand-mère, ceux de ses frères, avaient été gâchés ? Ces soirs de doutes, Margaery se sentait bien seule, cherchant le réconfort des siens. Et pourtant, elle n'avait pas le droit d'être faible, ni de se montrer faible. Ne fusse que pour soulager la peine de Loras, qui avait aimé Renly d'une passion si brûlante, si fiévreuse, que le respect mutuel que se portait les deux époux ne pouvait nullement égaler. Alors pour sa mémoire, et par égard pour leur amour, il lui fallait continuer;
« Loras, je... » « Pardonne moi, petite sœur mais... j'ai besoin d'être seul ! » lâcha-t-il alors, fuyant la tente royale dans une course effrénée. Tandis qu'elle se laissait aller contre sa couche, le souvenir de son père Mace lui revenait. Lorsqu'il lui avait pour la première fois exposé les tenants et aboutissants de ses ambitions pour elle, il l'avait prise dans ses bras, bercée quelques instants, puis demandée d'une voix douce :
« Ma fille chérie... Cela te plairait-il d'être une reine ? » Et dans le choyé de l'amour paternel, yeux clos par le bien-être de se sentir là, elle lui avait répondu :
« Non, père, je ne veux pas être une reine... Je veux être la Reine. »
epilogue ❀ une fois que j'aurai épousé joffrey, je serai reine ; et la rose croira, une fois de plus
« Victoire ! Enfin ! » Les exclamation de Willos résonnaient entre les murs du château. Dans les jardins, accompagnée de ses cousines Alla, Megga et Elinor, Margaery poussa un cri de joie. Remontant la terrasse, dévalant les couloirs à sa rencontre, elle se jeta dans ses bras ; bien qu'infirme, Willos la rattrapa, la serrant fort contre lui, baisant ses cheveux trempés par sa course folle.
« Loras ? Père ? Garlan ?... » « Tous sains et saufs ! » la rassura-t-il, caressant sa tête qu'elle venait de poser contre son torse. Des larmes de joie coulaient le long de son visage, cependant qu'à nouveau, la vie lui colorait les joues. L'attente avait été insupportable ! Son veuvage l'ayant contrainte à regagner Hautjardin, elle y avait attendu des jours et des nuits entières. Et si la bataille de la Néra marquait leur fin, à tous ? Elle a avait appris que la supériorité numérique et qualitative pouvait échouer au profit du plus étrange des imprévus. Et si l'histoire se répétait ? A nouveau, sa position dépendait entièrement d'une réussite militaire, de la mains d'hommes qu'elle chérissait autant qu'elle admirait. Mais il fallait croire qu'après lui avoir sacrifié son premier époux, les Dieux lui accordaient le bénéfice du second.
« Alors, c'est fait ? » murmura-t-elle, toujours contre Willos. Levant les yeux vers lui, elle cherchait à y déceler la part de vérité qu'il ne lui disait peut-être pas. Mais lorsque le sourire de son aîné illumina son visage, Margaery sut. Les négociation avec les Lannister avaient porté leurs fruits ; si Petyr Baelish avait obtenu le soutient de la Rose pour repousser Stannis des berges de Port-Lannis, Tywin Lannister était à présent forcé de tenir ses engagements : une place pour son père Mace au Conseil Restreint, une charge pour Loras au sein de la Garde Royale. Et... Doucement, Willos desserra son étreinte ; longtemps, il observa sa jeune sœur, sa benjamine qui avait été si constante durant toutes ses années d'apprentissage, si forte durant ces mois difficiles. Enfin, elle était récompensée. Ce pourquoi tous, en ces murs, et dans le Bief tout entier avaient prié, allait enfin s'accomplir. Aussi, il baisa une dernière fois le front chéri, pour lentement glisser à terre, aux pieds de Margaery. Et d'un ton solennel, baisant révérencieusement ses mains, il lui dit :
« Longue Vie à ma Reine ! »❀ ❀ ❀
« Par les Dieux, mais dans quel état es-tu ? Tu as ruiné une de tes meilleures robes ! » Desmera venait de crier si fort que la maisonnée entière sursauta. Dans l'encadrement de la porte, Margaery affichait d'horribles traces de boue sur l'ourlet à présent plus verdâtre que vert d'eau de sa robe, une fantaisie de couturière si représentative de la mode de Hautjardin. Et il était vrai que dans un tel accoutrement, la fiancée royale se montrait piètre ambassadrice ! Mais pour toute réponse, la jeune fille rétorqua :
« Allons, chère cousine, j'en ai d'autres ! » Attrapant un raisin dans une corbeille de fruits qui traînait là, la jeune fille tournoya sur elle même, plus gaie que jamais.
« J'ai visité un orphelinat près du Septuaire de Baelor. Les vivres que nous avons ramenés de Hautjardin assureront que ces enfants ne connaissent plus jamais la faim. Il y avait tant de reconnaissance dans leurs yeux... » Appelant d'un geste ses femmes pour qu'elle la change, Margaery repensait à cette jeunesse délaissée, cette populace qui l'avait accueillie dans la liasse générale. Son mariage prochain avec le Roi Joffrey était un signe d'abondance, et de bonheur assurée pour la Capitale qui jusqu'alors, était plongée dans une misère des plus ardue. Aussi, touchée par l'enthousiasme de peuple, et soucieuse de le préservé, il n'y avait pas un jour qui s'était écoulé depuis l'arrivée du clan Tyrell à Port-Réal sans que la jeune fille ne cultive sa popularité.
« Je sais pourquoi tu fais cela, pourquoi tu fais la charité, que tu te prélasses dans les bains de foule... Mais pense à qui tu es ! La fiancée royale... A ta place... » « Mais tu n'es pas à ma place. Et tu ferais mieux de t'en soucier, plutôt que de mon sort, dont je suis plus qu'heureuse. Chère cousine... » Le sourire de Margaery en disait long. De tout temps, Desmara Redwyne lui vouait une jalousie maladive. Le fait que sa cousine devienne prochainement Reine n'avait fait qu'exacerber son courroux. Bien entendu, pour rien au monde elle n'aurait manqué de se joindre à sa suite. Ne fusse que pour assurer sa propre position. En attendant.
« Durant ton absence, j'ai appris certaines choses : la petite Stark est fiancée ! » Violemment, Margaery se retourna. Quoi ? Était-ce donc déjà arrêté ? Cela faisait des semaines que lady Olenna œuvrait dans l'ombre pour que Sansa épouse Willos. Ainsi, elle échappait aux griffes des Lions ; pour tomber, avec la légitimité du Nord, dans le bosquet des Roses. Mais au sourire narquois de Desmera, la jeune fille devina que d'autres plans étaient venus contrecarrer le leur.
« Elle va l'épouser, lui. Le Nain. Tyrion Lannister ! »❀ ❀ ❀
Un monstre. Voilà comment Sansa l'avait dépeint. Malgré son âge, Joffrey faisait preuve d'une rare cruauté, développant un goût profond pour le sadisme et la perversité mortelle. D'ailleurs, il ne lui avait fallu que d'être présente au mariage de son oncle pour le voir se repaitre du spectacle un rien morbide du Roi, qui se rassasiait du malheur de son ancienne fiancée. Et de voir lord Tyrion humilié devant tous. C'était donc cela que sa future belle-famille ? La Reine-Mère Cersei lui était hostile, elle l'avait senti dès les premiers instants ; aussi, que ne devait elle redoubler d'efforts pour s'assurer que le Roi ne lui trouve plus d'attraits. Aussi, et tandis qu'elle tenait l'arme entre ses mains, Margaery se revoyait, quelques mois plus tôt, son faucon au bras. Dans ses yeux flamboyait la même excitation qu'alors, et elle pouvait lire dans le regard de son promis la même excitation.
« Ce doit être fabuleux que d'appuyer ici... Et de voir quelque chose mourir de l'autre côté... Pensez-vous que j'en sois capable, Votre Grâce ? » Elle pouvait voir sa fascination, sentir son désir. Cette odeur particulière de mâle qui trouve sa proie et pourtant, elle ne se sentait pas en danger ; c'eut été le cas si elle n'était pas un contrôle de ses gestes, de ses paroles. Elle savait pertinemment ce qu'elle faisait. Elle n'avait pas réussi à gagner la confiance de Cersei, qui lui avait promis
« de vous étrangler dans votre sommeil, s'il vous venait la fantaisie de m'appeler sœur encore une fois ! ». Mais avec Joffrey, la tâche était plus aisée : passer pour l'épouse soumise, l'assurer de sa virginité en jouant les ingénues. Et tandis qu'il passait une main tremblante autour de sa taille, touchant l'objet qui lui appartenait, il ne se doutait pas un instant que c'était ses petites épines qui se plantaient dans sa royale chaire.
« Oui, Milady. Vous en êtes parfaitement capable. » Alors, Margaery sourit. La Rose croit, une fois de plus.