Trois jours s’étaient écoulés depuis le départ du Roi Tommen et de ses hommes. Bientôt une semaine qu’Alla était toujours à Hautjardin, se demandant chaque jour quand aura lieu leur retour vers Port Réal. Pas que la jeune rose se soit soudainement éprise de cette ville. Grand dieu, non ! Elle ne supporterait toujours pas l’air irrespirable et le manque de verdure. D’un point de vue mental et physique, Alla était beaucoup mieux chez elle. Il n’y avait aucun doute. Mais d’un point de vue sentimental, c’était une autre histoire. Dès que son esprit n’était pas occupé, Alla ressentait un vide dans son cœur. Elle se languissait de la présence de son ténébreux chevalier dont elle n’avait pas encore eu de nouvelles, ce qui ne rassurait pas la jeune Tyrell.

Pour se rassurer et ayant besoin d’être seule, Alla profita d’un temps libre dans l’après-midi pour se promener au plus profond des jardins. Vêtu d’un habit printanier, lui allant toujours aussi gracieusement que d’habitude, Alla rejoignit la partie ouest des jardins, là où s’écoulait calmement une rivière. Juste la vue du paysage et le son de l’eau apaisèrent la douce fleur, mais son regard se perdit dans les reflets de l’eau. Alla resta ainsi durant de longues minutes.

Ce fut le bruit d’un battement d’ailes qui la fit sortir de ses souvenirs. Elle se retourna et reconnu Lachlan, son corbeau blanc, qui portait une enveloppe dans son bec. Le coeur de la petite rose s'emballa. Pour la première fois depuis ces trois jours, les yeux d’Alla prirent une tinte différente qui s’harmonisait si bien avec ce sourire qui avait tant manqué sur son visage. Laissant le corbeau se poser non loin d’elle, Alla s’accroupie sur l’herbe, pris la lettre en main et caressa Lachlan pour le remercier. Elle le laissa ensuite s’envoler à sa guise tandis qu’elle serrait l’enveloppe contre elle. Il lui avait répondu. Ce ne pouvait être que lui. Lachlan ne se trompait jamais de destinataire. Elle devait retourner à ses appartements au plus vite pour pouvoir lire la lettre, mais lorsqu’elle se releva et se retourna, Alla n’était plus toute seule.

« De bonnes nouvelles, j'espère? »

Desmera venait probablement de tout voir. De toutes ses cousines cela devait être Desmera ? Alla n’avait rien contre sa cousine éloignée, mais comme leur lien l’indiquait, elles n’étaient pas proches. Plus précisément : elles ne l’étaient plus. Elles l’avaient été enfants jusqu’à qu’elles grandissent et que Lorcan se mette entre elles. Il n’y était pour rien que leurs mères veuillent les voir ensemble, mais Desmera ne le comprenait pas et était jalouse. Jusqu’à il y a peu, Alla ne comprenait pas de si vifs et intenses sentiments voir réactions. Aujourd’hui c’était différent… Il lui suffisait de remplacer Lorcan par Addam pour qu’Alla comprenne la situation et ce que ressentait probablement sa cousine. Puis pour une fois, son ton de voix ne semblait ni l’agresser ni lui reprocher quoique se soit. Cela ne viendrait pas de la plus douce des roses Tyrell.

« Je l’espère, oui. » Avoua-t-elle en esquissant un ingénu sourire et un regard plein d’espoirs vers l’enveloppe.

Alla l’ouvrirait plus tard. Gardant précieusement la lettre entre ses mains, elle posa ses dernières sur sa taille, avança vers Desmera pour qu’il soit plus aisé de discuter, tout en gardant son agaçant et parfait maintien. Elle nota alors la marque au front de Desmera. Ce n’était pas la première fois qu’elle la voyait. Elle l’avait vu le soir de l’attaque lorsque les Tyrell et la famille proche avaient tous été réunit en lieu sûr. Sa blessure avait causé plus de peur que de mal, heureusement. Néanmoins, il fallait qu’elle continue bien les soins encore quelques jours pour que la marque du coup disparaisse complètement.

« Comment te sens-tu ? »

Alla faisait référence tant à sa blessure qu’à son état d’esprit général. En tant que proche, mais aussi qu’apprentie guérisseuse, elle ne pouvait qu’être touchée et soucieuse pour l’état de Desmera et des autres membres de la famille. Ils avaient tous été secoués ce soir-là. Elle la première. Alla s’était bien évanouit lorsqu’elle avait appris qu’Addam avait été blessé pendant l’attaque ; cela avait été la goutte de trop. Maintenant, ça allait mieux, mais les soucis n’étaient pas encore tous réglés.

« Si tu as besoin de plus d’onguent, il me reste encore un flacon. J’en referais demain après la cueillette. N’hésite pas. »

La situation n’était pas idéale pour la maison Tyrell, mais comme Desmera le disait, elles ne pouvaient s’estimer que bien par rapport à ce qui s’était passé. Cette attaque aurait très vite et mal tournée. Heureusement, il y avait eu plus de peur que de mal pour tout le monde. Du moins, Alla l’espérait-elle, car au niveau politique peut-être que ça ne passerait pas aussi bien. Cette inquiète fit légèrement crisper les doigts de la brune sur sa lettre qu’elle tenait toujours entre ses mains et contre elle.

« Et toi, Alla? Cela doit être plutôt perturbant de voir sa maison ainsi... assiégée. »

« Oui. En toute franchise, c’est même plutôt terrifiant. Je crois que je n’ai jamais eu aussi peur. On a toujours vécu ici sereinement et en paix sans incidents de ce genre jusqu’à aujourd’hui. »

Elle n’allait pas mentir, cela l’avait chamboulée et très apeurée. Ce n’était jamais arrivé et Hautjardin avait toujours été une maison accueillante, sécuritaire, pleine de vie, végétale. Son chez soi. Elle s’y était toujours sentie bien, et malgré cette attaque ça serait toujours vrai, mais il lui faudra tout de même un peu de temps pour oublier en quelque sorte. Alla s’inquiétait aussi de laisser ses proches et un bon nombre de leurs connaissances depuis toute petite ici. Qui sait si ça arrivait à nouveau, et que cette fois n’importe qui soit visée ? Tout pouvait arriver. Même si elle savait pertinemment que la famille prendrait les prédispositions nécessaires pour augmenter et assurer la sécurité à tous ces citoyens.

« J’espère que ça n’arrivera pas à nouveau et que tout ceux qui resterons ici irons bien. »

Oui, car tôt ou tard, ils retourneraient à Port Réal. Alla ignorait juste quand, dans quelles conditions politiques et selon quelle marche à suivre pour les Tyrell. Alla se tourna vers Desmera.

« D’ailleurs, quand tout sera décidé, tu nous accompagneras de nouveau à Port Réal ? Lorcan viendra probablement. »

Alla fut rassurée à la vue du sourire de Desmera. Cette dernière semblait remarquer de plus en plus que la jeune rose n’était pas intéressée par leur cousin Lorcan. Elle ne l’avait jamais été de cette façon et encore moins aujourd’hui, mais il lui avait été toujours compliqué de le prouver, expliquer et démontrer à Desmera. Leur relation en avait pâtis depuis tout ce temps. Les choses changeraient-elles à présent ? Elle l’espérait. Petit à petit.

« J'y retournerai, oui. Que puis-je faire d'autre? »

« Bien. Le voyage sera propice aux discussions. »

Sous-entendait-elle quelque chose ? Au vue du sourire en coin amusé d’Alla, oui. Par exemple, il serait plus aisé de faire en sorte que Lorcan et Desmera se retrouve seuls sur un bateau. Le lieu était plus restreint. Après, il est vrai que du coup ils risqueraient d’être plutôt pris par Margaery et les discussions concernant la relation Lannister-Tyrell. M’enfin, ils trouveraient bien un moment. Puis, Alla lui devait bien cela. Pour rassurée encore plus sa cousine. Devait-elle lui parler de la lettre qu’elle tenait entre ses mains ? Elle hésitait et doutait encore. Elle n’en avait encore parlé à personne, pas même à Margaery alors qu’elle était sa cousine la plus proche. Elle craignait la réaction de cette dernière ainsi que sa surprotection puisqu’Alla se retrouvait amoureuse d’un fidèle des Lannister… Toute sa famille réagirait ainsi sûrement… Alla serra un peu plus la lettre entre ses fins doigts. Elle commençait enfin à comprendre par quels sentiments de crainte et de douleurs silencieuses Desmera avait du passer en voyant son amour possiblement pris, courtisé ou promis à une autre.

« Desme… Je suis désolée pour tout ce qui s’est passé entre nous. Je comprends mieux maintenant ce que tu as et dois encore endurer… (Ce n’était pas évident à gérer, mais Alla n’osa pas en dire d’avantage tout de suite). La mère de Lorcan et la mienne oublieront cette envie de nous promettre l’un à l’autre. Cela n’a jamais été notre volonté, tu sais. Elles changeront d’avis. »

Alla ne précisa pas comment. A vrai dire, elle songeait de plus en plus à faire part de son amour pour Addam à son père, puisqu’il était celui qui  finirait par choisir l’homme qu’elle épouserait (avec l’aval obligatoire et intransigeant d’Olenna Tyrell, mais chaque chose en son temps !). Il avait toujours retenu sa femme d’agir, mais le temps était plus que comptait désormais et Alla en était consciente. Néanmoins, elle attendait de revoir Addam avant de dire quoique ce soit.

« Ne t'en fais pas. Je sais que mon comportement a pu te paraître injuste... J'en suis désolée également. J'essaie depuis tellement longtemps de montrer ma valeur à notre famille, parfois j'en viens à bousculer les autres sur mon passage. »

Il est vrai que ne pas porter le nom de Tyrell et appartenir à une maison vassale n’étaient pas tous les jours évidents. Alla ignorait les sentiments à cet égard que Desmera devait ressentir, puisqu’elle, même si elle était plus éloignés par les liens du sang de la branche principale des Tyrell, Alla et sa famille en portaient le nom et Alla était très proche de Margaery. Tout ceci mélangeait aux derniers événements entourant Lorcan n’avaient pas dû être simple à vivre et Alla en prenait conscience désormais. Elle avait d’ailleurs l’impression d’avoir manqué plusieurs aspects très compliqués, tout cela parce qu’elle était encore jeune et souvent enveloppée dans une bulle protectrice. Aujourd’hui, elle sentait qu’elle mûrissait d’avantage. De plus en plus ces derniers mois…

« Oublions tout ça. Laissons le passé là où il est et regardons vers l'avenir à présent. Il est amplement temps. »

« Oui, tu as raison. »

Alla serra les mains de Desmera dans les siennes avec un sourire sincère et un visage beaucoup plus serein. Un si long malentendu et problème de réglé. Elle espérait que leur avenir sera plus lumineux, mais avec l’incident du Bal, le ciel était plus couvert que jamais. D’ailleurs, une domestique arriva à cet instant leur informant que Dame Olenna les avait fait chercher et les quémander à venir dans la grande salle au plus vite.

« On va enfin savoir la marche à suivre. Ne les faisons pas attendre d’avantage. »

Avant d’y aller, Alla rangea soigneusement sa missive dans une poche cachée de sa robe. Elle ne dissimula rien à Desmera, ayant très bien remarqué que sa cousine avait compris les choses. La petite rose n’entra pas dans les détails, mais durant le chemin, elle mit Desmera dans la confidence. Elles parleraient plus amplement ensemble les jours à venir lors des préparatifs et durant leur voyage en bateau en direction de Port-Réal.